Pour Jean-Ruth, cette fois s’en est trop. Ce jeune homme âgé de 21 ans qui vit dans la région de Loué vient de couper les ponts avec sa mère.
Il a accepté de se confier à nos journalistes.
Manifestement, sa décision n’a pas été facile à prendre.
Sa main tremble alors qu’il porte une cigarette à sa bouche et sa voix se brise lorsqu’il commence à nous expliquer l’origine de cette situation intenable.
En 2010 elle s’inscrit à Facebook
En Septembre 2010, Jean-Ruth a lui-même conseillé à Cindy, sa mère d’ouvrir un compte Facebook.
« Ma mère habitait Toulon, en France, tandis que j’allais entrer à l’université de Montpellier, et je pensais que Facebook serait un moyen simple de compenser l’éloignement. »
Loin de se douter de la suite, Jean-Ruth rejoint son université, rassuré à l’idée de pouvoir prendre des nouvelles de sa maman d’un simple clic sur son smartphone.
Des images insoutenables
Mais rapidement, la situation se détériore.
« Elle a commencé à poster des images très moches garnies de textes stupides qu’il fallait partager pour soit disant lui prouver mon amitié. Ce n’est pas le genre de relation que j’espérais avoir avec ma mère.»
Dégoûté, Jean-Ruth se connecte de moins en moins à Facebook. Terrifié à l’idée d’aborder le sujet de vive-voix avec sa mère, il cesse progressivement de l’appeler et refuse de décrocher lorsqu’elle l’appelle.
Leurs seuls contacts se limitent désormais aux fêtes de familles, qui présentent l’avantage d’offrir d’autres sujet de discussion.
Mais en 2012, la situation connait un tournant majeur lorsque Cindy s’inscrit à Farmville, une célèbre simulation de ferme qui se joue sur facebook.
La timeline facebook de Jean-Ruth se retrouve peu à peu remplie de messages qui lui annoncent que sa mère a récolté une carotte ou qu’elle s’est vu offrir une dose d’eau.
Pour Jean-Ruth, cette nouvelle épreuve est difficile à supporter :
« Les événements en provenance de Farmville s’inséraient en grand nombre dans ma timeline. Non seulement ils ne me donnaient pas envie de parler à ma mère, mais il prenaient la place des statuts vraiment intéressants partagés par mes autres amis Facebook. »
La situation ne cesse d’empirer, alors que la mère de Jean-Ruth joue chaque jour un peu plus. La mort dans l’âme, le jeune homme décide de modifier les paramètres de son compte Facebook pour ne plus recevoir aucune des mises à jour en provenance de sa mère.
Des comportements addictifs évidents
Marcel Raymond, chef du pôle de psychiatrie et d’addictologie à l’Hôpital Caillé connaît bien le phénomène, qu’il compare à la consommation de stupéfiants :
« Pour moi, il y a addiction à partir du moment où les jeux entraînent chez le joueur des comportements au caractère répétitif et compulsif, comme chez les grands joueurs pathologiques ou les consommateurs de stupéfiants »
Il tente cependant d’offrir des solutions :
« De manière générale, il est toujours intéressant de parler avec ses parents de leurs pratiques culturelles. S’ils y ont joué, on peut discuter avec eux de ce que ça leur a apporté, de ce qu’ils en ont compris… Le parent a besoin d’entendre la parole de ses enfants, et pas uniquement en termes d’interdiction, notamment lorsqu’approche la retraite ».
Assailli par des poires et des mûres
Mais pour Jean-Ruth, l’irréparable a été commis lorsqu’après des mois sans donner la moindre nouvelle, Cindy a commencé à jouer au célèbre jeu social « Candy Crush Saga ».
Après avoir trop longtemps supporté les carottes de Cindy, c’est avec des poires et des mûres qu’elle assaille son compte Facebook.
Pire, une à deux fois par jour il reçoit une invitation à s’inscrire :
Résigné, Jean-Ruth retire sa mère de sa liste d’amis et décide de déménager.
Un sanglot dans la voix, il confesse :
« Je suis conscient que c’est de ma faute. Si c’était à refaire, jamais je ne la laisserais s’inscrire sur Facebook. Mais trop c’est trop. Se faire un peu spammer sur Facebook je peux le comprendre. Mais par sa propre mère ? Je ne le supporte plus. »
Jean-Ruth a émigré en Tostaquie le mois dernier et espère pouvoir reprendre sa vie à zéro sous une nouvelle identité.
Il ne désespère pas de pouvoir un jour ouvrir un nouveau compte Facebook.